LE DOCTEUR. Bon, soit, allez dans la salle d’attente et n’en bougez pas.
MICHEL marche vers la sortie, mais s’arr?te.
MICHEL. (Timidement.) Docteur…
LE DOCTEUR. (Se prenant la t?te entre les mains.) Quoi encore ?!
MICHEL. Savez-vous, quel est en vеritе mon principal probl?me ?
LE DOCTEUR. Le manque de mеmoire.
MICHEL. Non. Le manque d’argent.
LE DOCTEUR. C’est le probl?me numеro un de tout le monde.
MICHEL. De moi, surtout. (Soudainement.) Pr?tez-moi de l’argent.
LE DOCTEUR. Je vous en pr?terais bien, mais vous oublierez de le rendre.
MICHEL. Non. Je vous ferai un re?u. Au pire, c’est ma femme qui vous rendra l’argent.
LE DOCTEUR. Laquelle des deux ?
MICHEL. (En confidence.) Mettez-vous ? ma place.
LE DOCTEUR. Je m’y mettrais volontiers, mais je ne sais pas comment l’apprеhender.
MICHEL. N’y a-t-il pas, voyons, des situations o? un homme a deux femmes ?
LE DOCTEUR. (Tr?s intеressе.) Vous en avez deux ?
MICHEL. Une, je crois.
LE DOCTEUR. Et qui au juste ?
MICHEL. (Apr?s avoir marquе un temps d’hеsitation.) Je ne sais pas.
LE DOCTEUR. Je ne comprends rien.
MICHEL. Moi non plus. Docteur, j’ai un besoin urgent d’argent. C’est une question de vie et de mort. Faites-moi un pr?t. Je vous le rends aujourd’hui.
LE DOCTEUR. Combien vous faut-il ?
MICHEL. Au bas mot, mille Euros.
LE DOCTEUR. « Au bas mot » ?
MICHEL. Si mille euros sont un probl?me pour vous, j’accepte deux mille.
LE DOCTEUR. Rien que pour me dеbarrasser de vous, j’irais m?me jusqu’? trois mille.
MICHEL. (Rеjoui.) Alors, quatre mille.
LE DOCTEUR. Quatre mille, non. Et trois, non plus. Mais mille, oui. ? la condition que je ne vous revoie plus ici.
MICHEL. ?a marche.
Le DOCTEUR prend des billets, MICHEL, heureux, les lui arrache et se h?te de partir. LE DOCTEUR retourne ? son ordinateur. Son travail n’aboutit ? rien. Entre IR?NE.
IR?NE. (Inqui?te.) O? est Michel ?
LE DOCTEUR. Quelque part par l?. J’ai parlе avec lui ? l’instant.
IR?NE. Vous avez une mine plut?t triste. Il est arrivе quelque chose ?
LE DOCTEUR. Je suis dans une situation diablement inconfortable.
IR?NE. Racontez-moi tout. Je pourrai, peut-?tre, vous aider.
LE DOCTEUR. Non, vous ne pourrez pas. On me demande une carte mеdicale, mais on pourrait me couper les mains que je ne me souviendrais pas de l’avoir еcrite.
IR?NE. Eh bien, faites-en une autre, o? est le probl?me ? Vous n’allez pas vous laisser dеmonter par ?a ?
LE DOCTEUR. Mais faire comme si la carte mеdicale remontait ? il y a deux ans est impossible. Car l’ordinateur fixe automatiquement la date de crеation du fichier. Du reste, je doute que vous y compreniez quelque chose.
IR?NE. C’est l? tout votre probl?me ?
LE DOCTEUR. Sur un plan technique, oui. Et je ne parle pas, ?a va de soi, des remords de conscience et de l’intеgritе professionnelle. Qui cela intеresse-t-il de nos jours ?
IR?NE. Il me semble, que je peux quand m?me vous aider.
LE DOCTEUR. Comment ?
IR?NE. Ne vous ai-je pas dit que j’еtais programmeuse ?
LE DOCTEUR. Vous ?!
IR?NE. Et votre probl?me technique, d’un point de vue de programmeur, est tout bonnement dеrisoire. Asseyez-vous ? c?tе de moi.
IR?NE et le DOCTEUR s’assoient c?te ? c?te devant l’ordinateur. Les doigts d’IR?NE courent sur le clavier.
Tenez, regardez… Nous ouvrons le fichier avec la fiche mеdicale de Michel… L’ordinateur indique qu’il a еtе crее aujourd’hui. Est-ce vrai ?
IR?NE. Oui.
IR?NE. Et ? prеsent, une petite correction… (Elle tape sur les touches.) Maintenant, regardez, quand le fichier a-t-il еtе crее ?
LE DOCTEUR. (Il regarde l’еcran.) Il y a deux ans. Mais c’est incroyable ! Comment avez-vous fait ?a ?