Pièces choisies

IR?NE. Mon mari ? (Elle rit bruyamment.) Mon Dieu, quel dur mеtier que celui de psychiatre ! Qui ne voyez-vous pas dеfiler ! (Elle continue de rire.)

LE DOCTEUR. Je ne vois pas ce qu’il y a de risible.

IR?NE. Mais le voici, mon mari, l?, devant vous ! Il vous faut d’autres preuves ? Qu’? cela ne tienne. (? Michel.) Chеri, ?te ta chemise et montre au docteur ton grain de beautе sous ton omoplate gauche.

MICHEL, obеissant, ?te sa chemise. LE DOCTEUR examine le grain de beautе. IR?NE s’adresse au DOCTEUR.

Vous en ?tes-vous convaincu ?

MICHEL. Docteur, ce grain de beautе n’est-il pas dangereux ?

LE DOCTEUR. Non.

MICHEL. (S’accrochant.) Malgrе tout, je vous demanderai de me l’enlever. Je crains qu’il dеgеn?re en une tumeur maligne.

LE DOCTEUR. Je vous assure qu’elle est inoffensive. Et de plus, je ne suis pas chirurgien.

MICHEL. ?tes-vous urologue ? ?a tombe bien, j’ai justement de gros probl?mes de ce c?tе-l?. Je vais vous montrer… (Il porte la main ? la ceinture.)

LE DOCTEUR. Ce n’est pas la peine !

MICHEL. Je vous montre, quand m?me. Puisque vous ?tes urologue…

IR?NE. (L’interrompant.) Merci, chеri, ce n’est pas la peine. Attends-moi, s’il te pla?t, dans la salle d’attente. Mais ne t’en va pas. (Avec insistance.) Tu as retenu ? Ne t’en va pas. Nous n’allons pas tarder ? rentrer ? la maison ensemble.

MICHEL sort.

LE DOCTEUR. Excusez-moi, si je me suis permis de douter de vous. Je dois l’avouer, cet homme m’a fait perdre le sens.

IR?NE. Mais vous ?tes certain qu’il est vraiment venu ?

LE DOCTEUR. Que signifie « certain » ? Bien s?r, qu’il est venu ! (Dеconcertе.) Ou il n’est pas venu ? Bon, admettons, qu’il soit, comme vous dites, fou. Mais la femme m’a montrе ses papiers d’identitе, alors que vous, excusez-moi, je ne sais m?me pas comment vous vous appelez.

IR?NE. Comment ?a, vous ne savez pas ? Pas plus tard que ce matin, vous m’avez tеlеphonе deux fois en m’appelant Ir?ne.

LE DOCTEUR. (Au bout du rouleau.) Ah ! oui, c’est vrai… J’avais oubliе…

Pendant ce temps, IR?NE range son mouchoir, prend son poudrier et se refait une beautе. Rangeant le poudrier dans son sac, elle pousse un cri de joie.

IR?NE. Oh ! Finalement, j’ai un document. Et en plus avec photo. Mon permis de conduire. Tenez, regardez, je vous prie.

LE DOCTEUR. Pas la peine, je vous crois.

IR?NE. L?, vous me croyez, mais dans cinq minutes vous cesserez ? nouveau de me croire. Comme tous les hommes. Regardez, quand m?me.

LE DOCTEUR prend le permis ? contrecCur.

Que lisez-vous ?

LE DOCTEUR. « Ir?ne Grelot ».

IR?NE. Tout est en r?gle ?

LE DOCTEUR. Oui.

LE DOCTEUR rend le document ? IR?NE. Elle le fait dispara?tre dans son sac et en prend des photographies.

IR?NE. Mon mari vous a-t-il dit que nous еtions ? la m?me еcole ?

LE DOCTEUR. Quel mari ? Michel ? Oui.

IR?NE. Tenez, regardez, comment nous еtions, enfants. Rigolos, n’est-ce pas ?

LE DOCTEUR. Vous n’avez pas beaucoup changе.

IR?NE. Merci. Et l?, nous sommes dеj? adultes.

LE DOCTEUR. C’est s?rement peu de temps avant le mariage ?

IR?NE. Oui.

LE DOCTEUR. Comme vous ?tes belle ici !

IR?NE. (Coquette.) Vous voulez dire que maintenant je ne le suis plus ?

LE DOCTEUR. Maintenant, vous l’?tes encore plus.

IR?NE. Merci. (Faisant dispara?tre les photographies.) Je vois que vous ?tes un homme ? femmes. Je ne sais pas si une femme est venue ici, mais ce dont je suis s?re, c’est que vous l’avez invitеe ? d?ner.

LE DOCTEUR. Je vous jure que je n’ai invitе personne ! Et, en gros, personne n’est venu ! (Perplexe.) Ou il est venu quelqu’un ? Maudite mеmoire… (Il se verse ? nouveau une dose de gouttes.)

IR?NE. (Elle lui confisque la fiole.) Cessez de prendre des gouttes. Avez-vous un alcool ?

LE DOCTEUR. Je dois avoir une bouteille de cognac.

IR?NE. Eh bien, buvez double dose. ?a aide instantanеment.

LE DOCTEUR. Nous allons vеrifier. (Il ouvre le bar.) Oui, j’en ai ! (Il prend une bouteille.) Vous m’accompagnez ?

IR?NE. Buvez, vous dis-je, l’effet est instantanе.

LE DOCTEUR. Nous allons vеrifier. (Il ouvre le bar.) J’ai beaucoup de cognac. (La mine rеjouie.) Donc, je suis mеdecin ! (Il prend une bouteille.) Vous m’accompagnez ?

IR?NE. Je ne vous ai pas encore pardonnе.

LE DOCTEUR. Allez, oubliez ?a. Buvons. (Les mains tremblantes, il remplit les verres de cognac.)

IR?NE. (Le regardant avec pitiе.) Mon cher, regardez-vous dans une glace. Que vous arrive-t-il ?