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Bel-Ami / Милый друг

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Duroy rеpondit machinalement:

– Je vous remercie.

Alors Rival lui fit des recommandations minutieuses, car il tenait ? ce que son client ne comm?t aucune erreur. Il insistait sur chaque point plusieurs fois:

– Quand on demandera: «?tes-vous pr?ts, messieurs?» vous rеpondrez d'une voix forte: «Oui!»

«Quand on commandera «Feu!» vous еl?verez vivement le bras, et vous tirerez avant qu'on ait prononcе trois.

Et Duroy se rеpеtait mentalement: «Quand on commandera feu, j'еl?verai le bras, – quand on commandera feu, j'еl?verai le bras, – quand on commandera feu, j'еl?verai le bras.»

Il apprenait cela comme les enfants apprennent leurs le?ons, en le murmurant ? satiеtе pour se le bien graver dans la t?te. «Quand on commandera feu, j'еl?verai le bras.»

Le landau entra sous un bois, tourna ? droite dans une avenue, puis encore ? droite. Rival, brusquement, ouvrit la porti?re pour crier au cocher:

– L?, par ce petit chemin.

Et la voiture s'engagea dans une route ? orni?res entre deux taillis o? tremblotaient des feuilles mortes bordеes d'un lisеrе de glace.

Duroy marmottait toujours: «Quand on commandera feu, j'еl?verai le bras.» Et il pensa qu'un accident de voiture arrangerait tout. Oh! si on pouvait verser, quelle chance! s'il pouvait se casser une jambe!..

Mais il aper?ut au bout d'une clairi?re une autre voiture arr?tеe et quatre messieurs qui piеtinaient pour s'еchauffer les pieds; et il fut obligе d'ouvrir la bouche, tant sa respiration devenait pеnible.

Les tеmoins descendirent d'abord, puis le mеdecin et le combattant. Rival avait pris la bo?te aux pistolets et il s'en alla avec Boisrenard, vers deux des еtrangers qui venaient ? eux. Duroy les vit se saluer avec cеrеmonie, puis marcher ensemble dans la clairi?re en regardant tant?t par terre et tant?t dans les arbres, comme s'ils avaient cherchе quelque chose qui aurait pu tomber ou s'envoler. Puis ils compt?rent des pas et enfonc?rent avec grand'peine deux cannes dans le sol gelе. Ils se rеunirent ensuite en groupe et ils firent les mouvements du jeu de pile ou face, comme des enfants qui s'amusent.

Le docteur Le Brument demandait ? Duroy:

– Vous vous sentez bien? Vous n'avez besoin de rien?

– Non, de rien, merci.

Il lui semblait qu'il еtait fou, qu'il dormait, qu'il r?vait, que quelque chose de surnaturel еtait survenu qui l'enveloppait.

Avait-il peur? Peut-?tre? Mais il ne savait pas. Tout еtait changе autour de lui.

Jacques Rival revint et lui annon?a tout bas avec satisfaction:

– Tout est pr?t. La chance nous a favorisеs pour les pistolets.

Voil? une chose qui еtait indiffеrente ? Duroy.

On lui ?ta son pardessus. Il se laissa faire. On t?ta les poches de sa redingote pour s'assurer qu'il ne portait point de papiers ni de portefeuille protecteur.

Il rеpеtait en lui-m?me, comme une pri?re: «Quand on commandera feu, j'еl?verai le bras.»

Puis on l'amena jusqu'? une des cannes piquеes en terre et on lui remit son pistolet. Alors il aper?ut un homme debout, en face de lui, tout pr?s, un petit homme ventru, chauve, qui portait des lunettes. C'еtait son adversaire.

Il le vit tr?s bien, mais il ne pensait ? rien qu'? ceci: «Quand on commandera feu, j'еl?verai le bras et je tirerai.» Une voix rеsonna dans le grand silence de l'espace, une voix qui semblait venir de tr?s loin, et elle demanda:

– ?tes-vous pr?ts, messieurs?

Georges cria:

– Oui!

Alors la m?me voix ordonna:

– Feu…

Il n'еcouta rien de plus, il ne s'aper?ut de rien, il ne se rendit compte de rien, il sentit seulement qu'il levait le bras en appuyant de toute sa force sur la g?chette.

Et il n'entendit rien.

Mais il vit aussit?t un peu de fumеe au bout du canon de son pistolet; et comme l'homme en face de lui demeurait toujours debout, dans la m?me posture еgalement, il aper?ut aussi un autre petit nuage blanc qui s'envolait au-dessus de la t?te de son adversaire.

Ils avaient tirе tous les deux. C'еtait fini.

Ses tеmoins et le mеdecin le touchaient, le palpaient, dеboutonnaient ses v?tements en demandant avec anxiеtе:

– Vous n'?tes pas blessе?

Il rеpondit au hasard:

– Non, je ne crois pas.

Langremont, d'ailleurs, demeurait aussi intact que son ennemi, et Jacques Rival murmura d'un ton mеcontent:

– Avec ce sacrе pistolet, c'est toujours comme ?a, on se rate ou on se tue. Quel sale instrument!

Duroy ne bougeait point, paralysе de surprise et de joie: «C'еtait fini!» Il fallut lui enlever son arme qu'il tenait toujours serrеe dans sa main. Il lui semblait maintenant qu'il se serait battu contre l'univers entier. C'еtait fini. Quel bonheur! il se sentait brave tout ? coup ? provoquer n'importe qui.

Tous les tеmoins caus?rent quelques minutes, prenant rendez-vous dans le jour pour la rеdaction du proc?s-verbal, puis on remonta dans la voiture; et le cocher qui riait sur son si?ge repartit en faisant claquer son fouet.

Ils dеjeun?rent tous les quatre sur le boulevard, en causant de l'еvеnement. Duroy disait ses impressions.

– ?a ne m'a rien fait, absolument rien. Vous avez d? le voir du reste?

Rival rеpondit:

– Oui, vous vous ?tes bien tenu.

Quand le proc?s-verbal fut rеdigе on le prеsenta ? Duroy qui devait l'insеrer dans les еchos. Il s'еtonna de voir qu'il avait еchangе deux balles avec M. Louis Langremont, et, un peu inquiet, il interrogea Rival:

– Mais nous n'avons tirе qu'une balle.

L'autre sourit:

– Oui, une balle… une balle chacun… ?a fait deux balles.

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